Le « traitement » de la psyché est toujours pour l’essentiel médical, psychiatrique et/ou psychologisé. Or c’est par contraste avec la médecine, la psychiatrie et aussi bien la psychologie, que la clinique psychanalytique affirme sa spécificité… Situation difficile puisqu’elle hérite en partie des méthodes éprouvées dans ces champs : description des signes, classification, diagnostic, etc. Toutefois, à la différence de la médecine, la psychanalyse met en cause l’opposition du normal et du pathologique. Elle se distingue par la prise en compte, certes du symptôme, mais surtout de la souffrance psychique et par la prise en compte du sujet.
En véritable clinique du discours, la pratique psychanalytique est une mise en valeur de la parole du sujet. L’expérience analytique est une expérience parlée car le langage n’est pas sans effet sur le vivant. Voyons pourquoi parole et psychisme sont intimement liés :
Pourquoi le langage comporte-t-il une dimension structurante pour le sujet ?
L’homme, comme tout être vivant, est affecté par ce qui lui arrive. Mais contrairement aux autres animaux, il a besoin de s’expliquer cet affect, d’y loger du sens, pour réussir à faire avec. Or, cet affect s’est historiquement lié à une représentation signifiante qui a été refoulée. A chaque fois qu’un représentant de cette représentation refoulée surgit, l’affect réapparaît.
Par exemple : un jeune enfant entend le récit d’un grave accident de la route qui a fait des victimes, il en est très marqué mais, par la suite, ce récit est « oublié » ou plus exactement refoulé. C’est alors que chaque fois qu’il sera confronté à des personnes ayant subi un tel accident, une émotion très vive le prendra sans que lui-même ne comprenne pourquoi cela le met dans un tel état émotionnel.
L’inconscient est donc le lieu du refoulement des signifiants. C’est la rencontre du vivant (au sens de l’être de la nature) et du langage qui produit le sujet de l’inconscient.
En outre, le langage et la parole permettent au sujet de régler son rapport au monde. En effet, le sujet a toujours d’abord été parlé :
Par exemple, pour savoir que je suis Caroline, mes parents n’ont cessé de me nommer « Caroline ». Sans doute ont ils ajouté à ma description quelques qualificatifs « Elle est sage/pas sage », « C’est une chipie/C’est une courageuse », « Elle a bon caractère/mauvais caractère », etc. Des affects se sont liés à l’ensemble des termes qui ont servi à qualifier, décrire, parler de l’enfant. Et ce sont ces affects, reliés à ses paroles, qui vont contribuer à sa manière de se tenir dans le monde. C’est en sens que le langage structure le sujet ; parole et psychisme sont donc en étroit lien.
Pourquoi existe-t-il des scénarios de vie qui se répètent inlassablement ?
Pour autant, le réel de notre être excède le langage. Aucun mot, aucune représentation ne peut venir recouvrir la totalité de l’être.
De la même façon, les pulsions sont le fruit de la rencontre du vivant et du langage. Elles animent le sujet et résistent aux obligations de civilisation. Le symptôme est, en fait, l’indice de cette part ingouvernable qui fait le fond de la condition humaine.
Finalement, toute la vie du sujet se dépliera autour d’une répétition de la réponse faîte aux représentations refoulées. C’est cette position du sujet face à l’impossible qui est travaillée en cure analytique. La psychanalyse permet alors d’ouvrir le champ de l’acte pour un sujet dans tout ce qu’il peut produire d’écart quant aux déterminations qui font la trame de sa vie. C’est alors qu’il saura sortir de cet automatisme de répétition.
Ainsi, la psychanalyse n’a pas à voir avec avec une orientation du sujet vers le « bien ». Il y a un impératif à distinguer la psychanalyse d’une forme d’idéalisme moral. La psychanalyse n’a pas pour objet d’améliorer d’un point de vue moral l’être humain mais de lui donner une liberté vis à vis des répétitions de scénarios qui font le lit de sa vie mais qui le font souffrir. L’analysant est alors considéré dans sa propre singularité, et compte tenu de ses propres potentialités.
Ainsi, le psychanalyste évite de centrer son attention sur le symptôme mais se concentre sur l’écoute de la parole.